Une société sans projet vit la fin de son histoire

Certes, la phrase est négative, mais tellement vraie. Notre monde moderne et sa course à la croissance nous a façonnés en consommateurs, en passifs. Il a bridé notre capacité à être acteurs, et à inventer.

De façon illusoire, il nous est raconté la même histoire que celle que nos parents ont connue : inlassablement la superficie médiatique fait le va-et-vient entre traditions et innovations, et nous sommes encore nombreux à nous croire encore sur le chemin du progrès.

Mais, en fait, nous nous sommes reposés sur nos lauriers. Nous nous en remettons à l’autre pour nous assurer un meilleur avenir, et abandonnons notre souveraineté à des institutions et une oligarchie qui la piétinent.

Et nous faisons collectivement une grande erreur : ne jamais nous mettre nous-mêmes en cause, citoyens, formant la base et la force, en nombre, de notre société.

Par notre inertie nous ne permettons plus à notre société de faire des choix, et chacun occupe un rôle qui lui est propre, concentrant son énergie sur sa trajectoire personnelle.

L’individualisme que l’on reproche aux dirigeants politiques, qui ne s’occuperaient que de leur carrière – c’est souvent vrai, du coup -, cet individualisme est le même que le nôtre tant que nous n’entrons pas dans un projet collectif.

Cette société d’individus repliés sur leurs nombrils qu’ils s'échangent sur les mal-nommés « réseaux sociaux », est une société qui n’est plus en projet, mais qui baigne dans son jus. Un jus de plus en plus rance. Par l’absence générale de perspectives et de repères, la société déstabilisera de plus en plus ses membres fragiles, ses fous, ses psychopathes, quels que soient les motifs invoqués, y compris ceux qui créent parfois l’illusion d’un projet et d'un but. Alors, oui, dans ce cas, nous pouvons avoir peur, car l'horreur et la barbarie, tels qu’elles sont survenues à Nice le 14 juillet, sont à chaque coin de rue.

Comme atteinte d’immunodéficience, la société française est sensible au moindre rhume et peut tousser les morts par centaines. Face à cela, le réflexe purement sécuritaire n’est certainement pas la solution, il est liberticide et, à la fin de ce combat, d’une force contre une autre, c’est toujours la mort qui gagne.

C'est aussi un paravent idéal pour une majorité de dirigeants politiques de tous bords, particulièrement consternants, pour dissimuler, derrière la question identitaire et sécuritaire, les questions essentielles : la création d'emplois, la régulation économique, la transition écologique.

Car oui la question et la solution sont ailleurs. En effet, si une société sans projet vivait la fin de son histoire, une société où l’on apprend à nouveau à s’impliquer et à développer des projets collectifs réenclencherait des perspectives de progrès.

Les nouvelles formes d'engagement, chez certains jeunes, sont révélatrices.

Elles ne consistent plus à penser et à tenir des réunions et autres assemblées générales, mais à faire partie prenante d’une action concrète.

L’engouement pour l’agro-écologie est à ce titre remarquable. Les questions d’alimentation et de développement durable sont liées profondément à notre Humanité, ce n’est donc pas un hasard.

Nous devons en effet inventer une société de la citoyenneté active. En commençant par construire de petites choses, mais ensemble. En nous responsabilisant, en nous déculpabilisant, en nous inscrivant dans un projet.

En cela, le rôle des communes est décisif. Elles peuvent catalyser ce mouvement par leurs initiatives, remettre la société en projet et interroger à nouveau la promesse républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.