Les deux élections de 2015, départementales et régionales, ont à nouveau été profondément marquées par l'échec de l'adhésion des citoyens à un projet politique.
Bien sûr c'est l'échec des projets politiques eux-mêmes, qui n'entraînent pas d'adhésion, faute de propositions innovantes. L'abstention massive et les voix recueillies par les populistes en sont une preuve patente.
Cette séquence désastreuse pour notre démocratie ne semble pas affecter une oligarchie politique, relayée abondamment par les médias, qui focalise maintenant toute notre attention sur l'élection présidentielle de 2017.
Cette élection présidentielle rythme la vie politique française, d'autant plus que le calendrier électoral, depuis 2001, prévoit que lui succède l'élection législative.
Les auteurs de la Constitution de la Vème République, qui n'avaient ni prévu cette disposition, ni initialement validé l'élection du Président de la République au Suffrage Universel, avaient pourtant déjà fortement œuvré à faire glisser nos institutions du parlementarisme vers le présidentialisme, tout du moins vers une République dont le président (De Gaulle à l'époque) s'emparait ce faisant des habits d'un véritable monarque.
Mitterrand, au début des années 1970, avait en son temps fustigé cette Vème République, ce "coup d'Etat permanent" avant de s'en arranger par la suite...
Au début des années 1990, nous n'étions plus très nombreux, dès lors, à appeler de nos vœux une nouvelle République, plus représentative, plus démocratique, plus constructive et coopérative.
La présidentialisation du régime et le cumul des mandats ont fabriqué un système que les élites politiques entretiennent pour mieux s'en nourrir, se structurant essentiellement du haut vers le bas. Ainsi, du premier échelon (président, gouvernement) jusqu'au dernier (départements et grandes villes), chacun doit son poste ou sa fonction à un autre membre de ce système, et ainsi de suite.
Dans le même temps, le contexte économique et l'inadaptation des sociétés modernes aux nouveaux modes de production ont tendu le contexte social, qui se cherche un débouché politique.
C'est le classique cycle historique "crise économique, crise sociale, crise politique", crises qui s'empilent et se succèdent jusqu'à la rupture d'un ancien monde pour en créer un nouveau.
Le citoyen, dans ces deux contextes (oligarchie politique et déclassement social), ne participe plus aux scrutins dont l'issue ne semble pas pouvoir modifier son quotidien, ou pire encore s'empare de son droit de vote pour "hurler avec les loups", en cédant à l'appel des populistes.
Nos dirigeants politiques, s'ils ne sont pas de ces populistes, peuvent dans le même temps s'adapter avec cynisme : l'insécurité sociale ou le terrorisme renforcent leur suprématie s'ils savent s'en emparer tactiquement... mais pour nous proposer quel genre de société ? Pour renoncer à quoi ? Pour nous faire manquer, nous aussi, citoyens, de projets d'avenir ?
Dans ce triste décor, deux scrutins bénéficient encore d'une mobilisation de l'électorat : la municipale et la présidentielle.
- La municipale, parce que les projets sont plus concrètement identifiables, en même temps que la représentation municipale constitue de fait une réelle proximité humaine. Elle pourrait être une base essentielle de la reconstruction démocratique de nos institutions, si nous savons l'articuler en même temps avec les enjeux de coopération intercommunale, la société civile et la représentation nationale.
- La présidentielle, car nous identifions bien que c'est par ce prisme que passe toute la vie politique et, pour cinq années, la direction opérationnelle de notre destin collectif.
Porteurs de cette angoisse, nous "jouons" alors le jeu et participons à l'élection de notre "monarque". Avec le sentiment, qui commence à être une réalité tenace, de voter au second tour pour éliminer le "pire" des deux candidats. Cette détestable présidentielle a maintenant sa petite sœur : la primaire.
Là encore, c'est moins un projet qu'une personnalité à identifier et auprès de laquelle nous devons concéder nombre de nos aspirations pour adouber celle ou celui qui semble pouvoir mériter notre confiance. Si les candidat-e-s aux primaires ne sont porteurs d'aucune démarche qui procède de la base (citoyens, élus locaux), ils ou elles ne peuvent que pérenniser le système actuel et nous mettre encore devant le choix négatif d'éliminer le pire d'entre eux !
Aussi, si je préfère qu'une primaire ait lieu, je suis sceptique sur sa capacité à faire émerger quelque chose de nouveau.
C'est un projet dont nous avons besoin et qui mérite notre association, c'est la preuve d'une capacité à construire et à coopérer qui nous manque.
L'exaspération des citoyens, dont je fais état dans chacun de mes discours depuis que je suis maire, et le contexte actuel de notre société et du monde qui nous entoure, m'amènent aujourd'hui à plus d'exigence dans mon engagement politique.
Sans participer ni appeler à l'abstention, je ne vois pas, en l'état, pourquoi je ferais campagne pour un-e candidat-e s'il ou elle ne prévoit pas dans son projet : un non-cumul des mandats strict et efficace une pleine association de la société civile aux décisions une proposition d'écriture d'une nouvelle Constitution réhabilitant la représentation nationale, la participation citoyenne et la prise en compte des réalités locales en s'appuyant sur les maires.
L'urgence, c'est affirmer les valeurs républicaines dans une démocratie renouvelée qui instaure une méthode de co-construction.
Et ainsi cesser ces oppositions stériles et navrantes, ces jeux politiques dont nous payons et paierons durement les conséquences.
La résolution de la plupart de nos problématiques passe assurément par l'innovation politique, qui s'incarne en premier lieu par une autre méthode.