De quoi vivra le capitalisme ?

(17/03/2007)

Dans les entreprises du CAC 40, le nombre d'emplois régresse. En même temps, le pouvoir d'achat diminue. Et voilà qu'on annonce que ces dernières enregistrent l'an passé 97 milliards d'euros de bénéfices, redistribués d'abord aux actionnaires plutôt que consacrés à de nouveaux investissements.

A étudier de près, par exemple, les sociétés de la grande distribution, comme Carrefour, ou Auchan - dont les patrons sont devenus citoyens belges -, il y a de quoi s'instruire sur le mauvais coton que l'on file...

Traçons ensemble l'itinéraire d'un produit, de sa fabrication à notre bon vieux caddie.

La grande distribution commence par étrangler le fabricant. Par la quantité qu'elle commande, elle agit unilatéralement sur le prix du produit qu'elle acquiert. L'agriculteur ou l'industriel n'a plus qu'à jeter sa marchandise ou accepter de se plier aux exigences de son "meilleur" client. Pour atteindre l'objectif du moindre prix, il diminue souvent la qualité de sa fourniture, et resserre aussi la pression sur ses employés.

Ensuite, la grande distribution applique une moyenne de marges élevée, lâchant quelques produits vendus à perte en pâture à ses clients. L'achat nourrit l'achat, et la promotion dont on profite au rayon des lecteurs DVD est vite compensée par le prix des salades ou des fruits.

Des fruits ou des légumes qu'on nous pèse, non pas pour rendre service ni créer un emploi, mais pour nous faire gagner du temps : du temps de consommation disponible. C'est fou ce qu'on peut acheter en une heure quand tout est fait pour nous rendre la tâche aisée !

Jusque là sont décrits des moeurs auxquels nous sommes habitués de longue date. Sauf que la facture s'alourdit depuis quelques années, pendant qu'on nous explique que, statistiquement, le prix du caddie moyen n'a que peu augmenté... C'est donc que nous ne savons plus compter : il est vrai que nous ne sommes pas des experts...

A présent, passons au cynisme. C'est nouveau, mais ça marche... Profitons-en !

Voilà qu'on nous propose de passer nous-mêmes les produits achetés en caisse. Idée de génie. Faire à terme l'économie de caissières, déjà employées prioritairement sur des temps partiels; et en même temps faire travailler le consommateur, sans contrepartie.

Et aussi, au prétexte - justifié pourtant - d'agir pour l'environnement - et ce geste nous incombe encore, puisque la terre souffre par notre faute - , voilà qu'on supprime les sacs plastiques en même temps que l'on valorise des grands sacs qui deviennent un nouveau produit de vente. Et de continuer de bourrer ces sacs d'emballages inutiles auxquels on ne change rien, bien que ça serait pas mal aussi pour l'environnement... non ?

Ca doit être une mode... Avez-vous constaté une réduction de vos factures d'abonnements divers, dès lors que vous avez opté pour la facture "en ligne" disponible par un simple clic, plutôt que la facture papier ?

Et, depuis que la publicité envahit l'espace, notamment la presse écrite, payez-vous moins cher votre périodique ?

Le serpent se mord la queue.

On se contente de la force de travail strictement nécessaire.

On alimente aussi les dividendes des actionnaires par l'augmentation constante des marges bénéficiaires.

On instrumentalise le consommateur, pour le transformer en un véritable outil de production.

Et à la fin... quand on aura épuisé le consommateur : de quoi vivra le capitalisme ?