Bonne année, (Mendès-)France !

(1/01/2007)

Le 11 Janvier 1907, il y a 100 ans, naissait Pierre Mendès-France.Une conception exigeante de la politique aussi.

En Juillet 1936 il est le seul député de gauche à voter contre la participation de la France aux Jeux Olympiques de Berlin. Cet épisode annonce la singularité et l'itinéraire droit de ce précurseur de la pratique politique moderne, telle qu'on peut espérer aujourd'hui et demain qu'elle existe. Ses engagements nous apparaissent aujourd'hui, à la lumière de l'actualité nationale et internationale, criants de vérité. Loin de prétendre la traduire au présent, la démarche de Pierre Mendès-France mérite au moins, en ce début d'année 2007, d'être rapprochée de nos préoccupations actuelles.

De la pratique politique, il a toujours exprimé un devoir de vérité : "Certains redoutent qu'un langage loyal et ferme sur la situation présente n'entraîne le découragement. C'est qu'ils n'ont pas foi dans la volonté et dans l'aptitude de la nation à se redresser. Pour eux, la France, épuisée physiquement et nerveusement, est incapable de supporter la vérité (...) La France peut supporter la vérité." La démagogie et le mensonge ont encore de beaux jours devant eux : le devoir de vérité qu'il faut leur opposer, aussi.

De la pratique politique encore, il place le citoyen au coeur de la démocratie. Il estime que cette dernière ne peut être viable qu'à cette condition. Outre l'importance de la démocratie réellement représentative (ci-après), il aurait probablement soutenu le développement de formes multiples dedémocratie participative.

De la République et de ses institutions. Avant et pendant sa Présidence du Conseil (Juin 54 - Février 55), puis sous la Vème République, que nous avons encore l'honneur de subir, Pierre Mendès-France cherche un compromis entre l'héritage républicain, les aspirations démocratiques et l'idéal socialiste. Dans "La République moderne", il dénonce le déséquilibre des pouvoirs, notamment en faveur d'un Président surpuissant. Résolument parlementariste, il ne souhaite pas pour autant un retour à l'instabilité politique de la IVème République. Pour Mendès-France, le Gouvernement doit être investi puis contrôlé quotidiennement par l'Assemblée Nationaleet, pour garantir une certaine stabilité et donner aux gouvernements le temps nécessaire à l'action politique, il propose un contrat de législature entre le Gouvernement et le Parlement, et donneau Président - l'arbitre - le pouvoir de dissoudre l'Assemblée en cas de renversement du Gouvernement, afin de permettre aux citoyens de reprendre la main. Pierre Mendès-France nous aurait-il donc soutenu aujourd'hui dans notre volonté de faire naître une VIème République parlementaire ? Dans cette perspective, aurait-il été, comme il le fut jusqu'à sa mort, contre l'élection du Président au suffrage universel ? Et l'introduction de la proportionnelle dans les scrutins, ou le vote des étrangers, ou le non-cumul des mandats : pour ? contre ? Laissons chacun libre de spéculer sur les prolongements possibles de sa pensée.

De la politique étrangère, Pierre Mendès-France le décolonisateur s'empare, à l'occasion de sa Présidence du Conseil et en assumant aussi la direction de la diplomatie, du délicat réglement de la situation en Indochine, qui aboutit en Juillet 54 aux Accords de Genève. Il entame aussi un processus de négociation pour préparer la Tunisie à son émancipation. Enfin, il consacre du temps, dans ses dernières années, à la recherche de solutions pacifiques au conflit israëlo-palestinien. Il organise notamment des rencontres entre les parties concernées. Nul doute cette fois que Pierre Mendès-France serait particulièrement sensible aujourd'hui à l'embourbement proche-oriental, et préconiserait une diplomatie française active dans ce domaine, strictement indépendante de la politique étrangère américaine.

Une nouvelle année se traduit par un pas de plus vers l'avenir. Le présent, lui, commande aux socialistes français d'agir de façon exemplaire si l'alternative politique leur échoit. Et la lecture du passé donne souvent les clés de l'excellence de cette exemplarité.